Jonas, encore
Jonas, encore
Le midrash nommé Pirqé de Rabbi Eliézer nous a gardé des élaborations originales sur Jonas. Curieusement, ces élaborations sont présentées à l’occasion du commentaire sur le 5e jour de la création et interrompent en quelque sorte le commentaire sur cette création. Qu’est-ce que Jonas a donc de si important pour s’immiscer ainsi au milieu de la création du monde?
• Un midrash sur Jonas
Notre midrash croit savoir que c’est en ce 5e jour que Jonas s’enfuit de devant Dieu. A propos, pourquoi s’enfuit-il ? C’est qu’une fois, Dieu l’envoya restaurer la frontière d’Israël (2R 14, 25) et sa parole s’accomplit. Une seconde fois, il l’envoya avertir Jérusalem qu’il allait la détruire, mais Dieu se repentit du mal qu’il projetait et ne la détruisit pas, du coup on appela Jonas faux prophète. Comme souvent dans le midrash, on est assez vite perdu. Nous perdons vite le fil, et nous ne savons plus où nous sommes. Continuons. On nous dit ensuite que Jonas entre dans le poisson comme dans une grande synagogue (kenesset hagedola), et on nous informe même de la lumière régnant dans ce lieu. Les yeux du poisson étaient comme deux fenêtres de verre qui éclairaient Jonas. Selon R. Méir: une perle l’éclairait comme un soleil et il put voir ainsi les secrets des abysses. Le poisson parle à Jonas, il lui dit : le jour approche où je vais être dévoré par le Léviathan. Jonas demande au poisson de le mener au Léviathan et il déclare au monstre marin qu’il va mettre un hameçon sur sa langue et le remonter pour le banquet des Justes. Il est clair que ce midrash confère au récit de Jonas un sens eschatologique. Jonas se situe à la fin des temps. A cette époque, il suffit de la prédication pour que les païens se convertissent (teshuva) en masse et entrent (lehikaness, d’où la knesset hagedola, la grande synagogue. Sur l’humour du midrash, je n’insiste même plus). C’est cela la hapekha, le retournement de Ninive. D’où la fin du Léviathan. Jonas ici hameçonne le Léviathan en passant une corde (Hevel) dans sa langue. C’est le fait que Jonas est jeté à la mer qui fait que la mer se calme et que le navire est sauvé. Jonas est donc une sorte d’ancre. Gardons provisoirement cette idée: Jonas serait lié à l’ancre et à l’hameçon.
• Ancre et hameçon
En Hb 6, 18-19 on nous explique que l’espérance (hébreu : tikva 52 donc un équivalent numérique du messie) est une ancre. Ou plutôt une agkura. En effet, ancre n’est pas vraiment la traduction de agkura mais une simple translittération. agkura (qui se lit ancura) a donné le calque latin ancora et le français ancre, l’anglais anchor etc. Ce terme agkura n’existe pas dans la Septante, ce qui est fort dommage car on aurait aimé disposer par rétroversion de l’hébreu sous-jacent. On retrouve ce mot trois fois seulement dans Actes 27, en rapport avec la navigation, et on admet donc qu’il s’agit d’une ancre de bateau. En Isaïe 19,8 on trouve ce verset:
Les pêcheurs gémiront, ce sera le deuil pour tous ceux qui lancent l’hameçon dans le Nil,
ceux qui jettent le filet sur les eaux seront désolés.
Cet hameçon est en grec un agkistron, terme proche de agkura. C’est la même racine indo-européenne de la courbure ank-, ang- qui a donné la série: agkôn (courbure du bras, coude) agkistron (crochet) agkulos (recourbé) agkura (ancre) ogkos (croc).
Curieusement, ce terme agkistron traduit l’hébreu Haca qui signifie attendre en embuscade, espérer, et ce même terme agkistron traduit aussi un mot qui emporte avec lui une forte charge eschatologique: le Herem (le filet) qui est comme nous le savons le dernier mot de la prophétie. Nous touchons ici aux origines du rapport entre le vocabulaire de la pêche (miraculeuse) et de l’eschatologie. Rapport qui a généré bien des développements évangéliques. L’hameçon devient le symbole de la pèche et donc de la conversion eschatologique de la fin des temps, du retournement de toutes choses et partant de la résurrection. Sans cet enchaînement d’idées on ne peut pas comprendre le rapport entre un hameçon et l’espérance (hébreu: Haca) en la résurrection qui expliquerait la présence de ce symbole sur des monuments funéraires. Dans le Talmud de Jérusalem, au traité Hagiga 2, 1 on nous explique que la lettre hé ה est ouverte vers le bas pour signifier que les mortels devront descendre au shéol, mais qu’elle comporte à sa gauche un petit segment angulé pour indiquer qu’ils pourront en remonter. Autre exemple:
Ainsi parle le Seigneur Yahvé : J’étendrai sur toi mon filet (reshet) au milieu d’un grand concours de peuples, et ils te tireront dans mon filet (Herem, agkistro) (Ez 12, 13)
Quel était le terme sémitique présent dans Hb 6, 19 ? Nous ne le saurons donc pas, d’autant que le syriaque ou l’hébreu tardif nous renvoient eux-mêmes vers des translittérations fantaisistes du grec, comme nous l’indique cet extrait du CAL (Comprehensive Aramaic Lexicon)
• wnql, ʾwnqlʾ : hook
•ʾwnqly : hook
•ʾwqyn, ʾwqynʾ (ˀewqīnā) : anchor, hook , sailors’ sounding line
(Notez s’en Ac 28,27 on jette des sondes syr: ewqinas)
•ʾwqynr, ʾwqynrʾ (ˀewqīnārā) : hook
•ʾnqynrʾ (ˀnqynr:ˀ) :hook, anchor
• wnql : hook
De plus, comme vous pouvez le constater, certains termes renvoient à la fois à l’ancre et à l’hameçon. La question que nous posons ici est la suivante: le symbole que nous retrouvons si souvent dans l’iconographie chrétienne primitive est-il une ancre ou un hameçon ? S’agit-il même d’une synthèse des deux, d’un ancre-hameçon ? Et d’abord : Que signifie ce symbole ? Pourquoi le symbole du ou des poissons est-il omniprésent dans le christianisme primitif ? Pourquoi ces poissons sont-ils souvent représentés par deux ? Pourquoi trouvons-nous des lampes représentant des poissons avalant d’autres poissons? Le Midrash sur Jonas nous permet déjà de commencer à répondre à ces questions: Un hameçon peut en effet symboliser l’espérance messianique. L’hameçon symboliserait la fin du Léviathan, donc la victoire messianique et partant, la résurrection imminente. D’où sa présence sur les sarcophages chrétiens.
Résumons. Dans le livre biblique de Jonas, nous avons vu que le prophète fait office d’ancre (sa « jetée » stabilise le navire) et que dans le midrash, Jonas hameçonne le léviathan ce qui lui donne une dimension clairement eschatologique. On sait aussi que l’entrée des païens est le même évènement que la venue du messie. L’entrée massive et spontanée des Ninivites symbolise donc la fin des temps. Elle est le modèle de la pèche miraculeuse. Nous avons affaire ici à un réseau extrêmement dense et surdéterminé. On a vu que la lumière qui éclaire Jonas même au fond du poisson. est la lumière messianique. Mais nous aimerions pouvoir répondre clairement à la question de savoir ce que signifie vraiment le poisson. Nous allons voir en effet que les Chrétiens se vivaient comme des poissons.
• Tous les Chrétiens sont des poissons.
Lorsque Clément d’Alexandrie écrit pour les catéchumènes un ouvrage nommé le Pédagogue, il entend définir « les signes qui doivent distinguer le chrétien » : voici ces signes : une colombe, un poisson, un navire…une ancre (Signa nobis sint columba, aut piscis, aut navis, …aut anchora nautica). Julius Africanus appelle le Christ » Le grand poisson pris à l’hameçon de Dieu et dont la chair nourrit le monde entier ». Pour Tertullien : Le chrétien est comparable à un petit poisson à l’image du Christ Lui même. Saint Augustin dans son livre sur Tobie nous explique cela très bien: Ce poisson, qui remontait le fleuve et se livrait à Tobie, c’est le Christ qui par sa passion amère, a mis en fuite Satan et guéri le monde aveugle. Il compare même le poisson grillé à la passion du Christ (Piscis assus, Christus passus). Un auteur comme S. Reinach a soutenu que les chrétiens du IIe siècle disaient être des poissons et qu’ils qualifiaient le Christ de Grand Poisson. Il note cependant que « les auteurs chrétiens en donnent des raisons très différentes, preuve qu’ils en ignoraient la véritable ». Tout se passe au contraire comme si le réseau de sens hérité du Judaïsme était si dense, que chaque auteur a conscience de ne pouvoir aborder qu’un élément: Si nous sommes des poissons dit Tertullien c’est « parce que nous naissons dans l’eau et nous ne pouvons être sauvés qu’en restant dans l’eau ». Mais, suivant d’autres écrivains ecclésiastiques, les chrétiens sont des poissons parce qu’ils voguent dans la mer qui est la vie du siècle, ou parce que les fidèles sont les poissons pris dans les filets de la pêche miraculeuse, ou parce que Jésus et les Apôtres ont été des pêcheurs d’âmes. On allègue que les chrétiens sont des poissons parce qu’ils sont la descendance spirituelle du Grand Poisson qui est Jésus, […], comme dit l’auteur de l’inscription grecque d’Autun. Le témoignage de ce texte est confirmé par un correspondant de saint Jérôme ; parlant d’un certain Benosus, qui s’était retiré dans une île de Dalmatie, il dit que Benosus, fils du Poisson qui est le Christ et par suite poisson lui-même, a cherché naturellement un séjour au milieu des eaux, aquosa petit. L’assimilation de Jésus à un grand Poisson, père spirituel des poissons fidèles, paraît aussi dans l’inscription d’Abercius à Hiérapolis de Phrygie. Sur ce point encore, les Pères et les écrivains postérieurs offrent des explications divergentes et embarrassées […]. Jésus est un poisson, parce qu’il a daigné se cacher dans les eaux du genre humain et être pris au lacet de notre mort ; parce qu’il a apporté le salut, comme le poisson pêché par le jeune Tobie dans le Tigre ; parce qu’il s’est offert comme tribut pour le monde entier, alors que, sollicité de payer l’impôt, il a extrait le didrachme de la bouche d’un poisson ; parce qu’il s’est offert à sept de ses disciples, sur les bords du lac de Tibériade, sous les espèces de poissons frits et que lui-même, au temps de la Passion, fut rôti par la tribulation, tribulatione assatus ; parce que, dans le désert, il a rassasié 5.000 personnes avec deux poissons, multipliés indéfiniment par la vertu de sa propre substance ; parce qu’il a institué la régénération dans l’eau, le baptême, ou parce qu’il porte et conduit la barque de l’Église.
Raphaël: La Vierge au Poisson (1514)
• Tobie
Dans le livre de Tobie, le héros attrape aussi un poisson et il est mis en rapport avec Ninive. Or on sait que Tobie est un texte eschatologique. Tobie 6, 2-3 fait état d’une inversion (tout comme l’épisode cité plus bas du midrash Abba Gurion): L’enfant descendit au fleuve se laver les pieds, quand un gros poisson sauta de l’eau, et faillit lui avaler le pied. Le garçon cria, et l’ange lui dit : Attrape le poisson, et ne le lâche pas! Le garçon vint à bout du poisson, et le tira sur la rive. Tel est pris… Alors que le grec ne dit rien de la taille du poisson, le texte latin en fait un véritable monstre marin (piscis immanis). L’histoire de la réception du livre de Tobie par le christianisme est presque aussi complexe que l’interprétation du tableau de Raphaël. Selon certains auteurs ce tableau est une allégorie de la canonicité du Livre de Tobie et annoncerait son entrée dans le Canon opérée par le Concile de Trente quelques années plus tard. Le personnage de droite serait Jérôme et l’enfant serait Tobie accompagné de son Ange (Raphaël, comme le peintre…). Pour d’autres au contraire, le personnage de droite est Marc reconnaissable au lion, et l’enfant est l’allégorie du chrétien dont le symbole est le poisson. C’est vous qui voyez. Notons enfin que le lien entre la vierge et le poisson ne va pas de soi. Une épitaphe du IIeme siècle mentionne: un poisson de source en nourriture, immensément grand et pur, un vierge immaculée le pêche. Il faudra peut-être revenir à Miriam qui retire Moïse de l’eau.
• Le signe du poisson dans le Judaïsme.
Que signifient les représentations de deux poissons que l’on trouve par exemple sur le pavement de mosaïque de la synagogue de Bet Alpha et de Hamat (ci-dessous). Vous aimeriez bien disposer de la réponse ? Nous aussi. Deux poissons font inmanquablement penser à un signe astrologique. La présence de signes du Zodiaque dans l’ornementation juive est une véritable énigme. Est-il possible que le Rabbinisme ait toléré ce symbole quasiment idolâtre ? Ils ornent pourtant même les mapot enroulées autour des rouleaux de la Tora. On les trouve dans les livres de prière des jours de fêtes où ils symbolisent les mois. La Tablette d’Adar, autre exemple, est un dessin reproduisant divers symboles se rattachant au mois d’Adar et donc à Purim. On y trouve divers symboles : une bouteille de vin et des verres, des oreilles d’Haman, gâteau de Purim de forme triangulaire, une crécelle, une table dressée pour un banquet, et surtout deux poissons géants nageant l’un au-dessous de l’autre. Pourquoi ce symbole ? L’une des raisons avancée est que Moïse fut » tiré de l’eau » après que sa mère l’eut placé dans une nacelle sur les eaux du Nil. Ce symbole nous rappellerait que Moïse est né le 7 Adar. Bien entendu, comme dans le christianisme, on avance une raison plus classique: de même que le poisson ne peut vivre sans eau, le juif ne peut vivre sans Tora. On s’avise enfin que le mois d’Adar est relié à la constellation des Poissons dans les signes du zodiaque.
• Hypothèse de Purim.
On sait que Purim est une fête eschatologique. D’où l’importance des thèmes de l’inversion, de la confusion, et du retournement. Il est donc parfaitement possible que le Judaïsme ait symbolisé le mois d’Adar en retournant le sens zodiacal des poissons. En voici une preuve possible: Le midrash Rabba sur Esther et celui connu sous le nom de Abba Gurion nous expliquent que Haman consulta les astres afin de trouver le meilleur moment pour exterminer les Juifs. A chaque moment il trouve qu’un mérite protège ce peuple. Mais quand il arrive au signe des Poissons, Haman ne trouve aucun mérite. Il se dit alors: de même que les poissons s’avalent entre eux, de même les enfants d’Israël s’avalent, ils seront pris entre mes mains comme des poissons. Le Saint béni soit-il lui dit alors: Ils ne sont pas entre tes mains, c’est toi qui es entre leurs mains. De même que le poisson parfois avale, et parfois est avalé, toi aussi tu seras avalé. Le symbole des deux poissons serait ainsi celui de la lutte finale entre le messie et l’Antéchrist. Le messie devant bien évidemment triompher du Léviathan et le dévorer lors du banquet eschatologique en présence des Saints. On comprend mieux l’existence de lampes en forme de poissons avalant d’autres poissons qu’on trouve en milieu chrétien.
• Polysémie prolifique du Poisson
Le Midrash juif observe que, dans le récit la Création, il est dit trois fois de Dieu: va-yebarekh (et il bénit), que ces bénédictions concernent les trois derniers jours et sont en connexion avec le poisson. Ainsi le 5ème jour, à l’occasion de la création d’êtres marins (Dieu créa les grands monstres marins et tous les êtres vivants qui glissent : les eaux les firent grouiller selon leur espèce, et toute la gent ailée selon son espèce, et Dieu vit que cela était bon, va-yebarekh….). De même, le 6ème jour, à propos de la création de l’homme et de l’injonction « croissez et multipliez » (d’où le thème du poisson « fertile ») et enfin le 7ème jour relativement à l’instauration du shabat.
On comprend mieux pourquoi les Pirqué de Rabbi Eliézer mettent Jonas en rapport avec le 5e jour. En ce jour, le poisson a été créé avant l’homme, il est donc la première créature vivante créée par Dieu. Or c’est aussi le cas du messie. Les deux entités peuvent donc être identifiées. On comprend mieux pourquoi les Chrétiens feront de Jésus le Grand Poisson qui avale l’autre Grand poisson primordial qui s’était révolté contre Dieu. Le poisson évoque aussi le festin du monstre Léviathan que Dieu a mis de côté pour les Justes dans le monde futur, monde que le shabat doit évoquer, d’où la tradition juive de manger du poisson le shabat. Poisson se dit dag en hébreu et sa valeur numérique 7 renvoie justement au shabat eschatologique. C’est encore le midrash juif qui expliquerait la présence du poisson dans les nécropoles chrétiennes. Lors du déluge, seules les créatures allant par couples et conduites par Noé dans l’Arche furent sauvées, ainsi que les poissons. Le Midrash impute donc leur survie, malgré leur absence de l’Arche, à leur mode de vie exempt d’immoralité. et de mélange. Le poisson symbolise ainsi la sainteté d’une vie pure et donc pouvant être sauvée. On comprendrait alors pourquoi les poissons vont par deux, s’affranchissant ainsi non sans humour de toute référence zodiacale. Il est possible qu’on ait ici une élaboration qui mime l’astrologie pour mieux l’inverser, dans la tradition de Purim, dernière fête et fête des derniers jours.
Bien entendu, comme en milieu chrétien, le midrash va ensuite empiler des « explications » qui vont proliférer. Ainsi, le pluriel du poisson dag: dagim qui vaut 57 renverra au nombre de bénédictions récitées quotidiennement. Son inverse gad renverra à la manne qui nourrit les Hébreux pendant 40 ans. Le nombre 7 de dag évoquera les 4 Matriarches (Sara, Rebecca, Rachel et Léa), et les 3 Patriarches (Abraham, Isaac, Jacob). Etc.
Trop proche des symboles juifs, le thème du poisson va progressivement céder la place dans le christianisme à d’autres symboles et singulièrement celui de l’agneau. Comme dans le cas de la fixation de la date de la pâque, le christianisme ne supportera pas de dépendre des juifs pour ses symboles essentiels. De plus l’affaissement de la tradition midrashique en milieu chrétien dépouillera le poisson de son aura symbolique et le réduira à la chose malodorante dont doivent se satisfaire les classes pauvres. Les Empereurs romains ayant adopté la nouvelle religion et habitués à la statuaire grecque attendaient des symboles plus flatteurs.
• Cas de l’hameçon italien.
Se pourrait-il que le récit de Paul en Actes 27-28 si marqué par Jonas, ne comporte pas une seule allusion, même sonore, à notre hameçon ? Au premier abord on ne trouve pas trace d’hameçon dans ces parages. Pourtant le CAL nous signale un autre terme pour hameçon :
•tly, tlyʾ (tlāy, tlāyā) : suspension, weapon, hook, loop, cord, grape cluster
Ce serait la raison pour laquelle le chapitre 27 s’ouvre sur une référence à l’Italie. Elle aussi devra se retourner. Nous nous disions aussi…
• Corneille et compagnie: un supplément cornélien au livre de Jonas.
Avec le midrash, cela se passe toujours ainsi: Au premier abord, le récit de Corneille d’Actes 10 ne semble présenter aucun rapport avec Jonas. Et puis à force de les relire on s’aperçoit que les deux récits sont intimement liés. Au début, un simple soupçon: la référence à Joppé (Yafo, le port jonasien). Mais surtout on s’avise du contraste renversant que le récit cornélien représente par rapport à Ninive. Il est dit de Corneille: Tes prières et tes aumônes, sont montées devant Dieu. On se souvient alors que des Ninivites il est dit dans le livre de Jonas : leur méchanceté est montée devant Dieu. Corneille représente donc l’inversion des Ninivites, c’est Ninive (ici Rome) qui fait sa repentance (teshuva) et de toutes ses forces, et donc avec tous ses signifiants: Césarée, Centurions et Cohortes (Comme le texte de Jonas dit que les Ninivites se sont repentis « de toutes leurs forces » baHazaqa Jon 3,8 le midrash chrétien prend le texte au mot et en fait des forces « militaires »). Avec Qornelios, c’est tout le qeren (la force) du mal qui se retourne, avec tout le toutim (centurions, cohortes et compagnie). N’oublions pas qu’à Ninive le Roi lui-même se retourne. Mais il reste un dernier détail à régler dans le scénario: on sait que Jonas regimba à accepter la conversion de Ninive. Il faut donc que ce soit Jonas l’hébreu qui reconnaisse lui-même cette repentance et ce retournement. Un ange demandera donc à Corneille de convoquer Pierre pour qu’il « avoue » publiquement la vision qu’il vient à l’instant de recevoir (c’est tout nouveau): à savoir qu’il n’y a plus d’impureté (alimentaire ? vraiment ?) qui frappe les animaux (lire : les païens. Souvenons-nous de l’adage rabbinique : ovde kokhavim qeruyim behema; les serviteurs des étoiles sont appelés animaux. Si les païens se sont retournés, c’est que nous sommes à la fin des temps et la loi elle aussi se retourne et s’allège, car même les animaux se retournent dans le livre de Jonas, ils jeûnent et se couvrent de sac).
Sur l’identité entre Ninive et Rome voir par exemple le Sefer Zorobabel
Zorobabel est « transporté par un ruaH (vent/esprit) qui le soulève entre ciel et terre et le transporte à Ninive, la grande ville, qui est la ville du sang ». Il y rencontre le messie à qui il demande le nom du lieu: réponse: C’est Rome la Grande, où je suis emprisonné dans les fers jusqu’à ce que vienne mon temps.