Bonnes nouvelles des Parents
Bonnes nouvelles des Parents
Nous savons que Paul convertit les païens, et qu’en vertu du midrash sur la nouvelle naissance, il les engendre. C’est le cas, par exemple, d’Onésime, fils de Paul qui surgit brusquement, dans la lettre à Philémon, au détour du verset 1,10 : mon enfant, que j’ai engendré dans les liens, cet Onésime. Il s’agit donc d’un fils midrashique : Celui qui convertit quelqu’un, c’est comme s’il l’avait enfanté.
Il en est de même pour Timothée : qui est mon enfant bien-aimé et fidèle (1Co 4, 17) et pour Tite : mon véritable enfant (Tite 1,4). Paul n’a pas seulement de nombreux « enfants », il a aussi des proches, dont il s’enquiert une bonne vingtaine de fois. Voilà un élément qui semble constituer un argument en faveur de l’historicité de nos textes et de Paul. Si le corpus paulinien était un midrash, pourquoi perdre son temps à demander des nouvelles de ses connaissances ? Quelle serait la fonction midrashique de telles formules de salutations ?
Lorsque Paul s’enquiert du salut de ses proches (shoel le shalom) il le fait d’abord en vertu de son nom (shaul, le demandé) et il s’enquiert surtout du messie, dont la paix (shalom) est un équivalent numérique. (shalom begematria ze mashiaH)
Ce qui nous retiendra ici, c’est le signifiant proches. Ces proches sont en fait très souvent des parents.
je ne trouvai pas Tite, mon frère…
Saluez Andronicus et Junias, mes parents…
Saluez Hérodion, mon parent…
Lucius, Jason et Sosipatros, mes parents…
Saluez Rufus… et sa mère qui est aussi la mienne…
avec Apphia notre sœur…
Nous aurions ici une élaboration fondée sur la proximité déjà mentionnée entre la racine qrb, qui signifie proche, parent et converti ; et bqr qui signifie en hébreu tardif : s’enquérir, visiter, inspecter et aussi abandonner. Or Paul est souvent abandonné.
biqur Holim : visiter les malades. Paul passe son temps à visiter ses proches. bqr, c’est aussi l’action d’un pasteur qui rassemble son troupeau pour le mener paître, le nourrir. Cette racine est féconde puisqu’elle permet de jouer sur un clavier sémantique étendu : sur boqer, l’aube (messianique), bikur, les prémices et bekhor, la primogéniture. Or, justement certains proches de Paul portent des noms qui jouent sur le sens de nourrir au sens d’élever un enfant. Trophime sonne comme trephô, en grec : élever, nourrir. Est-ce le lien avec boqer (le matin) qui expliquerait que certains noms tournent autour de la notion de lumière ? Lucien, Lucius, Nérée, Phébée, Phlégon (ardent), Tryphose (trois fois brillant ? élevé ?). Certains de ces noms pourraient alors traduire l’hébreu tardif orian, car la Loi est nommée oria, oraïta.
Autre élément troublant dans la liste des noms des proches de Paul, c’est la présence de doublets. Ainsi Silas et Tertius signifient la même chose : troisième. De même, Jason et Titus seraient des doubles de Josué-Jésus. Titus serait une déformation de Justus qui serait lui-même un autre nom de Josué (Jésus) ce qui expliquerait :
Mais celui qui console les humiliés, Dieu, nous a consolés par l’arrivée de Tite (2Co 7,6)
D’autres noms tournent autour du bon conseil : Eubule, Aristobule ; ou du filet de pêcheur : Sergius, Lin. Claudia signifie boiteuse (il est naturel qu’une ex-païenne claudique, notre essai précédent en explique assez longuement la raison).
D’autres noms expriment le bonheur et l’innocence : Chloé (herbe verte) ; Asyncrite (incomparable) ; Fortunatus (heureux, fortuné) ; Tychique (chanceux) ; Évhodie (parfumée) ; Olympas (céleste) ; Apphia (productive, qui porte des fruits) ; Démas (populaire), Ampliatus (large, hébreu : raHab)
D’autres noms enfin, expriment une qualité religieuse : Sosipatros (le père sauve) Hérodion (hébreu : qui craint dieu ?) ; Epénète (digne de louange en grec, mais en hébreu : qui visite) ; Hermas (hébreu Herem, consacré à Dieu ou filet) ; Crescens (qui croît) ; Onésime (utile). On a aussi une certaine persida qui signifie Perse, mais que certaines traductions rendent par Persis, sans doute pour faire plus féminin. La Perse n’a rien à faire ici, si ce n’est que l’hébreu paras a une valeur de 52. On se souvient que Cyrus est un messie, ce qui lui vaut aussi cette valence.
Parfois ces personnages abandonnent Paul :
car Démas m’a abandonné par amour du monde présent. Il est parti pour Thessalonique, Crescens pour la Galatie, Tite pour la Dalmatie.Tu le sais, tous ceux d’Asie, parmi lesquels Phygèle et Hermogène, se sont détournés de moi. (2Tm 1, 15)
Abandonner est, on l’a vu, un sens du verbe le-baqer. Des proches (qrb) qui abandonnent (bqr) voila donc une figure de l’inversion. Et on abandonne Paul pour des destinations qui ont un sens : Dalmatia, c’est une lumière vaine. Mieux, on fuit en raison de son nom : Phygèle signifie justement fugitif. Les noms de lieu sont l’objet de jeux de mots en hébreu, ou même en grec sans distinction. Malte signifie (par jeu de mots sur l’hébreu mlt) salvation, d’où des phrases comme :
Une fois sauvés, nous apprîmes que l’île s’appelait Malte (Ac 28,1)
Adieu, Malte. L’abandon est aussi lié à la racine bgd qui renvoie aussi au vêtement. Or Paul est concerné par l’abandon des vêtements et de la Loi. D’où la répétition de cet item.
En venant, apporte le vêtement que j’ai laissé à Troas chez Carpos,
ainsi que les livres, surtout les parchemins (2Tm 4, 13)
Carpos fait justement anagramme ici avec la racine de kopher, la trahison.
Curieusement, les noms de lieux ne renvoient pas à des significations banales comme pont, clairière, source ou bosquet mais à des significations eschatologiques, liées au Jugement et à la Rétribution.
Sidon (tsidon) est citée, car en hébreu ce nom a la valence messianique de 52. Tyr : l’oppression. Colosse : punition, correction ; à moins qu’il ne s’agisse de chôlos : boiteux. Corinthe : ornement, beauté ; Philippes : guerrier ; Thyatire : parfum ; sacrifice ; Laodicée : peuple juste ; Phrygie : sèche, stérile ; Sardes : salvation ; Rome ou Pergame : hauteur, élévation. L’Asie (asia) s’écrit avec un samekh comme la guérison (asia). Je laisse le soin au lecteur de supputer par lui-même ce qu’il peut en être de Cos, Rhodes, et Patara.
C’est la technique du heqesh, on ausculte la sonorité du nom pour y trouver un sens. Ainsi l’Achaïe sonne comme l’hébreu aH, frère, et pour souligner cela, le rédacteur mentionnera négligemment un frère ou deux au voisinage de l’Achaïe :
Comme il voulait partir pour l’Achaïe, les frères l’y encouragèrent (Ac 18,27)
frères, vous savez que Stéphanas et les siens sont les prémices de l’Achaïe (1Co 16,15).
On trouve en outre dans ce dernier verset le mot bikur (prémices) qui sonne phonétiquement comme baqer, visiter, abandonner, etc.
En général, le texte nous fournit lui-même la clé midrashique qu’il utilise. Elle est simplement bien dissimulée. Un exemple : En Actes 21,3 Paul doit absolument aborder à Tyr, car c’est là que le bateau devait décharger sa cargaison. Mais cette cargaison est une charge (grec gomon qui traduit l’hébreu masa) et rappelle un peu trop un verset d’Isaïe bien connu :
Charge (masa) sur Tyr. Hurlez, vaisseaux de Tarsis… (Is 23,1)
Paul (vous avez dit : de Tarse ?) vient donc en bateau de Tarsis accomplir la prophétie d’Isaïe contre Tyr, la ville hautaine qui distribue des couronnes (maatira est un hapax de l’hébreu et rime avec Thyatira). Genèse Rabba 61,7 commente de son côté l’expression : qui distribuait des couronnes (ha-ma’atira) : R. Eléazar a dit : Chaque fois que dans la Bible, le nom de Tyr est écrit en graphie pleine, il s’agit vraiment de Tyr. Et chaque fois qu’elle est écrite de manière défective, l’écriture parle de Rome. Adieu, Tyr.
Agabus annonce une famine et Hagab signifie sauterelle. Tous ces personnages sont souvent les associés de Paul. Or ce terme évoque les Lévites, car la racine hébraïque de levi est l’association. On a ici la trace d’une nouvelle cléricature : Les Saints seraient les Juifs messianistes, les nouveaux prêtres de la Nouvelle Alliance.
Il y avait dans l’Église établie à Antioche des prophètes et des docteurs : Barnabé, Syméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manaën, ami d’enfance d’Hérode le tétrarque, et Saül. (Ac 13,1)
Ce Manaën (menaHem, consolateur) a été confondu avec Barnabé dont il est dit en Ac 4, 36 qu’il signifie : fils d’encouragement.
Pour ce qui est de Niger, dans le Targum des Lamentations, le traducteur rend Lm 3,15 : Il m’a rassasié d’amertume, il m’a abreuvé d’absinthe (la’ana) par : Il m’a rassasié de poison de serpents, de boîtes de charpentiers. nagar signifie en effet, selon le niveau d’araméen : charpentier, verrou, digue, hache ; et en syriaque comme verbe : durer, endurer, patienter ou bâtir.
Quant à Barnabé (qui s’appelle en réalité Joseph) on nous explique qu’il s’agit d’un Lévite, et ce qui est encore plus curieux, c’est qu’il est de Chypre (sonorité : kpr). Il s’agit de faire entendre ici le son kpr, racine de la propitiation, raison d’être des Prêtres ou, inversion oblige, de l’apostasie. Exit Chypre.
Profitons de ce que nous sommes au chapitre des transactions immobilières, pour rayer les deux Annanie des Actes, de la liste des personnages historiques. Le premier (Annanie 1) rend la vue à Paul devenu obéissant. Il doit son nom à la parole de Samuel qui, lorsqu’il est appelé, répond hineni (me voici) à l’instar d’Abraham. Quand à Annanie 2, c’est une réutilisation de Akân, qui en Josué 7 détourne des biens. Cet Annanie 2 est un double de Juda (tribu de Akân) et de Judas. Comme Judas, il vend son champ (sadé ou naHala, son patrimoine) mais comme il est voleur (à l’instar de Juda) il détourne de l’argent. Il finit d’ailleurs mal comme Judas. Ce passage vise donc à opposer (encore ?) Joseph à Juda. Par ailleurs, si acheter un champ c’est s’installer dans la différance du messie, vendre son champ c’est accepter la venue rapide du messie. Alors que Joseph-Barnabé accepte cette venue et est prêt à partager avec les païens, Annanie-Akân feint d’accepter cette venue par une vente dont il entend bien garder la majeure partie. Comme Judas qui veut garder le bénéfice des bonnes actions, lors de l’épisode de la pécheresse pardonnée.
Texte extrait de l’ouvrage « Comprendre les origines du Christianisme » de Maurice MERGUI